Alors voilà. Comme je l'avais promis dans mon dernier post-éclair, j'ai lu le roman d'Adrien Goetz, Intrigue à Versailles.
Je ne vais pas dévoiler l'intrigue en entier, au cas où quelqu'un parmi mon honorable (et honoré !) lectorat aurait envie de le lire.
Juste dire rapidement que l'histoire se passe à Versailles, en 1999, quelques jours avant la tempête. Qu'on y croise des conservateurs, des journalistes, des hommes d'affaires, des mécènes. Qu'on y tue, qu'on y intrigue. Qu'au cœur de tout cela se trouve un groupe de convulsionnaires mystérieusement réchappé du XVIIIe siècle.
Dès qu'on m'a signalé ce roman, il y a maintenant plusieurs mois, je me suis dit vulgairement : merde. [Cher lecteur, habitué à la constante retenue et au charme littéraire de haute tenue de ce blog, je te prie de m'excuser, ça venait du fond du cœur. Et je t'épargne en n'utilisant pas un autre mot bien plus habituel dans mes contrées toulousaines... ;-)]
En achetant le livre il y a plusieurs semaines, après l'avoir feuilleté à la FNAC, je me suis redis la même chose.
En fermant ce livre il y a quelques jours, j'avoue que j'ai encore râlé.
Parce que voilà : certains qui me connaissent un peu savent que j'aime écrire. Et pas que des thèses, des mémoires ou des articles de Wikipédia. Et que j'écris, régulièrement, sans avoir sauté un pas autre que celui de la lecture par quelques personnes, ou des concours de nouvelles.
J'aime écrire, voilà. Jusqu'à présent je n'ai écrit que sur des sujets sans aucun rapport avec le jansénisme. Pourquoi cela ? D'abord parce que j'ai toujours un peu culpabilisé de prendre de temps en temps quelques heures pour écrire et que ces quelques heures ne soient pas consacrées à ma thèse, mais surtout parce que j'avais un autre projet : celui d'écrire un jour un véritable roman, mettant en scène un groupe de convulsionnaires mystérieusement réchappé du XVIIIe siècle. Ça ne vous rappelle rien ? Ah si tiens, c'est justement le thème du roman d'Adrien Goetz...
Donc voilà. Rien à dire de plus, le roman que je peaufinais en pensées (et un peu plus qu'en pensées) depuis bientôt 8 ans, je ne l'écrirai pas. L'idée était bonne, elle a été prise, c'est le genre de chose qu'on ne peut faire deux fois (les convulsionnaires, ça n'est pas comme l'Opus Dei, ça ne peut "servir" qu'une fois, en jouant sur l'effet de surprise).
Mais, cher lecteur, tu ne viens pas ici pour lire mes états d'âme, surtout quand je râle et fais la "mauvaise joueuse".
Je tresse donc quelques couronnes à Adrien Goetz, parce que j'ai bien aimé son roman :
Déjà, il est bien écrit et agréable à lire, ça n'est pas rien.
Ensuite, il est vif, enlevé, pas pesant pour deux sous. Autre point positif : quand on lit un roman ça n'est pas pour s'ennuyer.
Enfin, il est bien documenté. La bibliographie en fin de volume contient à peu près tout ce qu'une personne voulant lire sur les convulsionnaires doit lire. Il a rajouté quelques ouvrages plus généraux sur le jansénisme, bien adaptés à son sujet, c'est parfait.
L'intrigue est intéressante, un peu tirée par les cheveux mais c'est de bonne guerre et je trouve que ça tient la route, romanesquement parlant.
Très peu d'erreurs historiques, tout au plus une certaine exagération de certains faits, mais c'est le charme de la fiction.
Bref, c'est du bon.
Quelques critiques peut-être, quand même ?
J'ai trouvé que le côté spirituel des convulsionnaires n'était pas assez marqué, qu'on ne voyait pas vraiment la profondeur théologique du mouvement. Il y a également un gros "trou" dans sa filiation, au XIXe siècle. Mais bon, c'est de ma faute aussi, je n'avais qu'à finir ma thèse avant, ça aurait peut-être aidé un peu à combler le trou.
Je trouve, plus globalement, que les convulsionnaires sont utilisés un peu trop comme un groupe de "méchants sectaires" sans que leur spécificité (hors séances de "secours") ne soit véritablement utilisée, c'est dommage.
Mais au final le roman est bien, et j'ai pris plaisir à le lire et à avoir la chance, au fil de la lecture, de comprendre réellement ce que dit l'auteur quand il parle des convulsionnaires. De savoir parfois, exactement, d'où il avait tiré son information.
Un peu comme dans le film de Vincent Dieutre, Fragments sur la Grâce, où j'avais ce sentiment de connivence en le voyant filmer, sans rien expliquer, Saint Jacques du Haut Pas ou la bibliothèque de Port-Royal.
Une sorte de complicité de connaisseurs, en fait.
Pour Intrigue à Versailles, ce sentiment de connivence était augmenté d'un autre détail : mon trisaïeul était conservateur du château de Versailles à la fin du XIXe siècle et au début du XXe (il en parle d'ailleurs brièvement dans son livre). Pour moi, Versailles est certes un lieu historique fondamental, mais c'est aussi un endroit où ma grand-mère a joué petite, où ma famille a été, un jour, chez elle, comme l'héroïne d'Adrien Goetz est chez elle à Versailles. C'est donc un lieu familier pour moi, même si je ne connais que trop peu ce château.
J'ai donc lu ce roman avec une impression de connivence constante, mêlée (je l'avoue) d'une pointe de jalousie. Je vous invite à le lire également, ou si c'est déjà fait à donner vos avis sur ce livre.
Et je remarque que ça fait deux fois en un an que sortent (et sont remarqués) deux romans traitant du jansénisme... avec Le Désert de la grâce et Intrigue à Versailles, le jansénisme ressort comme thème romanesque.
C'était le cas également au début du XXe siècle, mais le sujet était alors traité totalement différemment. Dans le cadre de mon étude de la mémoire de Port-Royal, j'ai lu plusieurs de ces romans traitant du sujet, et la vision est vraiment différente.
Mais si j'avais besoin de confirmer encore que Port-Royal et le jansénisme, dans leur ensemble, portent encore une image particulière et lourde de sens, cette mise en roman régulière en serait un argument de plus.