mercredi 31 décembre 2008

Bonne année...

Un petit message pour souhaiter à tous les lecteurs de ce blog une excellente année 2009.

C'est aussi l'occasion pour moi de fêter le premier anniversaire de ce blog.

Un an de petites ou de plus grandes histoires sur Port-Royal et ses fidèles, un an de réflexions qui sont parfois allées bien au-delà du jansénisme.

Un an où j'ai apprécié de raconter un peu ce qui fait mon quotidien (ou presque) depuis des années.

Un an à apprécier la chaleur des commentaires, leur intelligence (souvent), leur intérêt.

Un an à me demander si j'explique bien, si j'arrive à donner vie à "mes" jansénistes, si c'est bien de le faire, et si je le fais bien.

Un an à m'étonner constamment du nombre de lecteurs égarés sur ces pages : 3400 visites, près de 5500 pages vues, 1700 visiteurs uniques, une moyenne de deux minutes passées sur le site par visite, 49 pays différents, c'est aussi ça, les Sereinades.
Jamais je n'ai cherché à faire de la pub ou à faire augmenter le trafic de ce blog, mais je suis bien obligée de constater qu'Internet est ainsi fait que les sujets les plus obscurs trouvent des lecteurs fidèles. Cela m'étonne, me ravit, et me pousse à écrire le mieux possible.

Un an, aussi, à me dire que je n'écris pas assez... un an à chercher le temps nécessaire pour aborder en profondeur les sujets que je veux évoquer.

À présent c'est à vous, lecteurs que je connais ou que je ne connais pas, de vous exprimer : qu'aimeriez-vous que je fasse ? Comment voyez vous ce blog ? Répond-il à vos attentes ? Pourquoi êtes-vous tombés dessus (et comment !) ? Quel bilan tirez-vous de cette année de lecture (pour les fidèles) ?

Bref, entre une coupe de champagne et un chocolat, n'hésitez pas à donner votre avis, vous exprimer sans réserves, et m'aider à progresser. Je n'écris pas pour moi, j'écris pour vous, alors autant vous satisfaire !

Bonne année à tous, et à très bientôt.

lundi 15 décembre 2008

Google Books : un "géant" vu comme un danger ou une opportunité

J'ai longuement hésité à écrire ce billet ici ou sur mon blog "Wikipédien", parce qu'il croise typiquement ma vie wikipédienne et ma vie d'historienne. Finalement, comme je crois que mes lectorats ne sont que partiellement en intersection, je le publie sur les deux blogs.

Donc, GoogleBooks. Les wikipédiens le connaissent bien, les autres peut-être un peu moins. C'est un service de Google qui numérise à tour de bras des livres, les mettant sur internet en mode image, intégralement ou partiellement (cela dépend essentiellement du droit d'auteur). La recherche in texte par moteur de recherche est possible, la qualité des scans inégale mais globalement satisfaisante, l'offre augmente de jours en jours, et cela est bien pratique.

Je me sers souvent de GoogleBooks, soit pour avoir accès à des livres anciens (c'est dur d'habiter la "province" et d'être loin des riches bibliothèques parisiennes !), soit - sur Wikipédia - pour rechercher des copyvios.

Or, depuis l'épisode Wikigrill (voir mon billet consacré au sujet), je regarde régulièrement le site de ce magazine (Booksmag). J'ai même déboursé 3 euros pour acheter l'exemplaire papier tout à l'heure, et voir un peu de quoi il s'agit.
Sur Booksmag.fr, il y a eu dernièrement deux articles intéressants consacrés à GoogleBooks, et surtout intéressants par leurs contradictions.

L'un est une longue interview de Robert Darnton, éminent historien américain et directeur du réseau des bibliothèques d'Harvard (excusez du peu !), intitulée "L'initative Google signe une étape dans la démocratisation du savoir". L'autre est un billet d'humeur de Jean-Claude Guédon, professeur de littérature comparée à l'université de Montréal et (si j'ai bien compris) historien des sciences, qui titre "Google Books : le vrai piège".

Que disent-ils ?

- Robert Darnton se réjouit de la numérisation par Google, restant extrêmement prudent face aux lacunes bibliographiques de l'outil, mais se réjouissant de ce que "Le moteur de recherche de Google va mettre le savoir accumulé dans les livres à la portée de tout un chacun ou, du moins, de toute la population du monde qui dispose d’un accès à Internet." Il prend une posture d'ouverture et de volonté de diffusion du savoir : "Je crois profondément à la démocratisation du savoir. (...) Étant à la tête de la plus grande bibliothèque universitaire du monde, je suis favorable à la numérisation complète de tous les livres portant sur des sujets d’intérêt général et à la mise en ligne progressive, à titre gratuit, de tous les livres de nos collections dont le contenu est tombé dans le domaine public.".

Soulignant qu'Harvard a été la première université à signer un partenariat avec Google, il estime que "C’est un pas tangible vers l’instauration d’une république des lettres, et d’une citoyenneté universelle au sein de cette république.".

Il estime que la critique de Google par Jean-Noël Jeanneney se conçoit si elle débouche sur une marche pluraliste vers la numérisation des livres, tout en considérant qu'il y a certainement un peu "d’antiaméricanisme, même si Jeanneney connaît bien les États-Unis et n’est nullement un anti-américain primaire.".

Il considère que les limites du projet de numérisation de Google se heurte principalement aux deux écueils que sont :
- sur la quantité, le problèmes des droits d'auteurs (qu'il qualifie ainsi : "La propriété littéraire, dont les règles sont certes parfois archaïques, est un obstacle majeur à une numérisation totale.")
- sur la qualité, le problème des multiples éditions de livres, surtout pour les XVIIe et XVIIIe siècles (les éditions sont parfois différentes), et l'absence de bibliographes au sein du projet Google.

Mais globalement, il estime que c'est un projet très intéressant, et qu'il ne tuera pas le livre, pas plus que la télévision n'a tuée la radio, ni l'imprimerie l'écrit manuscrit.

- Jean-Claude Guédon, lui, s'attache à un aspect particulier de Google Books pour faire part de sa désapprobation du projet. Il s'attaque au problème de la recherche dans le texte, expliquant qu'il a sans problème trouvé un exemplaire complet de Madame Bovary sur Google Books, qu'il y a fait une recherche in texte, mais que lorsqu'il a téléchargé le livre dans son disque dur il ne peut plus faire cette recherche. Forcément, puisqu'il télécharge le pdf du scan de l'image, et non le texte proprement dit.

Il en déduit donc que Google est en train " de monopoliser tout le champ algorithmique en train de croître autour des documents numérisés", qu'il cherche à "devenir le système d'exploitation dominant, voire unique, de cette algorithmique." Que si on ne passe pas par Google, on ne peut que rester au XXe siècle et au livre papier.

Ce que ce monsieur semble ignorer, c'est que Gallica, le site de numérisations de la BNF, procède exactement de la même façon (à ces inconvénients près qu'on ne peut quasiment jamais faire de recherche dans le texte, que les scans sont pourris la plupart du temps et qu'il n'est pas indexé par les moteurs de recherche). Donc Gallica est également une entreprise de domination du monde ? Mon Dieu, mais quelle horreur !

Du coup, charitable, je suis allée lui indiquer que sur Wikisource il pouvait trouver un fichier texte de Madame Bovary, totalement libre, sans aliénation algorithmique, et où il pourra faire toutes les recherches qu'il veut, même en téléchargeant le texte (puisque c'est du texte et non de l'image).


Que retenir de ces deux textes ? D'une part l'ouverture, de l'autre la crispation. D'un côté la curiosité d'un universitaire connu pour ses travaux importants sur le XVIIIe siècle (ce n'est pas un geek, tout étudiant en histoire a lu Darnton), qui se réjouit que davantage de monde - et en premier lieu les chercheurs - puisse avoir accès aux livres anciens, de l'autre un universitaire qui s'étonne d'une chose somme toute logique (on ne fait pas de recherche in texte dans une image) et en tire des conclusions alarmistes sur la domination de Google.
C'est bien simple, avant de voir la présentation de M. Guédon, j'ai cru que c'était un intellectuel français ;-) L'esprit étroit de nos chères élites a-t-il donc contaminé le Canada ? Diantre, tout est perdu alors...

Bref, je préfère avoir tort avec Darnton que raison avec Guédon (ou plutôt, je préfère être optimiste avec Darnton que parano avec Guédon), moi aussi je me réjouis d'avoir des textes disponibles, je n'en suis pas pour autant un suppôt de Google et j'aime lire des vrais livres en papier.
Et si je peux résoudre l'impossible casse-tête de faire ma thèse tout en bossant jusqu'à 17h, puis en m'occupant de mes enfants, et faire avec une bibliothèque municipale certes riche mais qui ferme tôt, ne prête pas ses livres et est fermée le dimanche, en trouvant quelques livres sur Google Books, Gallica et Wikisource, et bien je m'estimerai heureuse. Tout le monde n'est pas solitaire, oisif et parisien.

mardi 2 décembre 2008

Jansénisme et marketing, pour une autre valorisation de sa thèse...

Ce titre est un petit clin d'œil au brillant ouvrage de Monique Cottret, "Jansénisme et Lumières, pour un autre XVIIIe siècle" (1998).
Jansénisme et marketing, donc... une association étrange et surprenante, qui (je l'espère) aiguise la curiosité de mes lecteurs ! Pourquoi faire un billet associant ces deux notions si éloignées l'une de l'autre ?

Tout simplement parce que, depuis maintenant un mois et demi, je travaille dans le marketing. Les nécessités de la vie étant ce qu'elles sont, et me trouvant de facto un peu "hors-course" pour une carrière universitaire, j'ai cherché longtemps du travail et me suis trouvée, un peu par hasard (je vous passe les détails), embauchée comme assistante marketing dans une PME toulousaine spécialisée dans le matériel informatique.

Mais alors, quel rapport avec le jansénisme, me direz-vous avec raison ?

Et bien, aussi curieux que cela puisse paraître, mes (longues) études d'histoire, et tout spécialement mes recherches, et encore plus nettement les méthodologies que je mets en œuvre dans ma thèse, me sont utiles dans mon nouvel emploi et me permettent d'être à l'aise dans ce travail en réduisant largement la période d'adaptation et d'apprentissage du métier.

J'explique un peu ce que je fais lors de mon travail : il s'agit de définir quel peut être le marché que mon entreprise peut atteindre. Elle se dirige vers un nouveau service, encore peu développé, et cherche à toucher des clients (principalement ce qu'on appelle des "grands comptes", c'est-à-dire de très grosses entreprises, ou des entreprises très dynamiques dans notre secteur, i.e l'informatique).

Pour cela, il faut prospecter, analyser les prospections, définir les secteurs à potentiel, adapter ensuite le discours à chaque secteur, et repartir dans une prospection plus fine.
Or, dans mon travail de recherche sur les réseaux jansénistes (j'en ai déjà parlé dans ce blog), mon travail a été de faire des sondages sur les jansénistes (chercher où ils peuvent être), anayser les particularités de chaque type de mini-réseau, définir les principaux types de réseaux, adapter ma recherche à chaque type, et repartir ensuite dans une recherche plus fine, adaptée et systématique, de chaque type de réseau.

Vous voyez le rapport ? En fait, prospecter dans les archives à la recherche des jansénistes, ou prospecter des clients dans un service de marketing, finalement ça n'est pas très différent. Juste une petite différence de discours, un objet différent. Et puis là, je parle à mon sujet, j'interroge les potentiels clients, au lieu de lire les archives.

Quand je passais mes journées aux archives nationales, faisant des sondages dans les cartons d'archives de notaires, repérant des indices de "jansénistes", puis épluchant systématiquement les études semblant être des "nids" à jansénistes, finalement je faisais la même chose qu'aujourd'hui.

De même que j'ai parfois dû explorer des réseaux jansénistes que je ne soupçonnais pas, de même je découvre aujourd'hui des secteurs auxquels personne n'avait jamais pensé s'attaquer dans mon entreprise.

Et puis il y a, au-delà de la prospection et de la définition du marché, tout un travail d'analyse et de vision globale de l'entreprise, de son fonctionnement, de ses potentialités. Chercher en permanence à avoir une vision d'ensemble à la fois du marché et de ce qu'on peut faire pour le toucher. Tout comme, il y a quelques temps, je cherchais à avoir une vision d'ensemble de mes réseaux jansénistes, je cherchais quels étaient les liens entre les gens, je cherchais comment les relier, adapter mes méthodes aux réalités de mes archives.

Je trouve énormément de points communs entre mon travail actuel et mes années de recherche universitaire. Apparemment, ma responsable trouve également que j'ai un état d'esprit qui correspond bien. Elle m'a interrogé sur ma thèse, m'en a fait parler longuement. Elle a compris, plus vite que bien des historiens ou autres littéraires, les tenants et aboutissants de mon travail. En a compris les points communs avec un travail de marketing. Jamais je ne me serais attendue à cela.

Quant à mon patron, autodidacte pur et dur mais à l'esprit profondément curieux et ouvert, il trouve cela très cocasse d'avoir une historienne au service marketing, et je lui suis extrêmement reconnaissante de me faire confiance pour assurer ce métier, alors que je n'ai absolument aucune qualification académique pour le faire.

Bon, revenons sur terre : ce n'est qu'un CDD pour l'instant. Une embauche plus durable dépend certes de mon travail, mais aussi de logiques financières qui ne sont pas de mon ressort. Quoiqu'il en soit, que je reste dans cette entreprise ou que je sois obligée de la quitter dans quelques mois, j'en tirerai la conclusion qu'on peut très bien travailler dans un secteur très éloigné de sa formation à partir du moment où on peut remettre en action des modes de pensée appris et pratiqués ailleurs.
J'aurai aussi abandonné quelques préjugés bien universitaires et bien littéraires vis-à-vis du marketing. Je voyais cela comme un gadget un peu malsain et artificiel, je me rends compte que c'est une discipline intelligente et stimulante, et bien plus profonde que je ne le pensais.

Une carrière dans le marketing ? Pourquoi pas. Il faut tout de même que je prenne le temps de finir ma thèse, et je regrette que les journées ne fassent que 24 heures... mais je la terminerai.



Un peu d'humour pour finir...
(photo-montage trouvé sur un forum Ubuntu, comme quoi on sait rire aussi chez les geeks ;-)