jeudi 3 janvier 2008

Des états d'âme, ou la question cruciale du jansénisme dans ma vie...

L'avantage d'un blog, c'est que ce n'est ni un article scientifique, ni un chapitre de thèse. On y est plus libre.


Donc promis, un jour je parlerai de plein de trucs sérieux, de l'importance de la vision de la mort dans le jansénisme et tout plein d'autres choses fondamentales, mais là, non.

Au jourd'hui, ce sera : mais mon Dieu, pourquoi s'intéresser au jansénisme au point d'y consacrer plusieurs années de sa vie ? ;-)

Je conçois que l'idée puisse choquer au premier abord. Je n'ai pas spécialement le profil de ce qu'on peut imaginer d'un amateur de jansénistreries. Déjà, à ma génération plus personne (ou presque) ne sait ce qu'est véritablement le jansénisme. Moi-même, j'avoue, avant d'être en faculté d'histoire, cette question me passait à quelques milles au-dessus de la tête. J'ai dû vaguement entendre parler de Pascal, à la maison (quoique) ou en philo, mais pas plus. Bien sûr, on dit que Pascal, on connaît (ça fait vraiment trop inculte de ne pas connaître Pascal), mais le connaît-on vraiment ? Et sait-on quelles étaient ses pensées, ses convictions, son entourage ? Rarement.

Donc le jansénisme. On y arrive par des biais parfois étranges. Pour moi, aucun attrait au départ pour le versant théologique, mais plutôt pour l'image polémique du mouvement, pour la trace qu'il a laissé dans l'Histoire. À lire sur ce sujet, l'excellent article sur Port-Royal dans "Les lieux de mémoires" de Pierre Nora, qui montre l'importance de la mémoire de Port-Royal dans la culture française. C'est cela qui m'intéresse : comment un mouvement officiellement réduit à quelques dizaines de membres, peu organisé, et à la longévité restreinte, a pu à ce point marquer la culture collective.

Quand on plonge dans l'histoire du jansénisme, c'est tout un monde qui s'ouvre. D'abord on découvre que le jansénisme est loin de se restreindre au XVIIe siècle à Port-Royal, mais qu'il continue au XVIIIe siècle. On voit aussi qu'il a des ramifications dans toute l'Europe, en Hollande, en Belgique, en Italie, en Espagne, à chaque fois sous une forme différente.

On découvre aussi tout un monde de personnages aux profils variés et passionnants. Ce sont de fortes têtes, les jansénistes. Ils aiment bien s'opposer à tout le monde. Tellement persuadés de détenir la vérité (au XVIIIe siècle, et même après, ils s'appellent les Amis de la Vérité) qu'ils sont prêts à toutes les audaces, à tous les excès, pour vivre leurs convictions. Finalement, la phrase de Voltaire, décrivant les religieuses de Port-Royal ainsi : "pures comme des anges, orgueilleuses comme des démons", convient assez bien : rien de plus exigeant (d'abord pour lui-même) qu'un janséniste, sans doute rien de plus coriace et dérangeant pour ses opposants que ce même janséniste.

Ils ont la dent dure, mes jansénistes. Au XVIIIe siècle, ils faisaient rire Paris en ridiculisant la police et les Jésuites dans les "Nouvelles ecclésiastiques", leur journal clandestin(1). Un exemple ? En voici un : les Nouvelles Ecclésiastiques étaient interdites (bien sûr). Mais le journal a paru sans interruption pendant tout le XVIIIe siècle. L'organisation était incroyablement performante, impossible de démonter le réseau de fabrication et de diffusion du journal. Un jour, la police débarque chez un imprimeur clandestin. Elle est occupée à fouiller la maison, pour saisir le matériel. Content de lui, persuadé d'avoir réussi à démanteler une part du réseau, le chef des policiers ressort dans la rue et monte dans sa voiture à cheval, sous l'œil goguenard des passants. Et là, stupeur : un exemplaire tout frais du journal (l'encre n'est pas encore sèche) est posé à sa place. On imagine la colère du bonhomme, et les rires des passants.

J'aurais encore beaucoup d'anecdotes à raconter, et je le ferai petit à petit. L'important, c'est de comprendre qu'on ne s'ennuie jamais avec les jansénistes. Tout n'est pas drôle, mais en permanence on est surpris, bousculé dans ses idées reçues, je découvre à chaque page d'archive comment fonctionne ce petit monde clos, comment il a réussi à persister depuis le XVIIe siècle, comment il a vécu des mutations importantes sans jamais renier ses fondements.

Tiens, et puis un jour je vous expliquerai ce qu'est le jansénisme...

(1) Lire l'article de Wikipédia sur les Nouvelles Ecclésiastiques : http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelles_eccl%C3%A9siastiques

1 commentaire:

Anonyme a dit…

jolie histoire :)

Si tu aimes les petits anecdotes sur la presse clandestine, jete un oeil sur

http://fr.wikipedia.org/wiki/Faux_Soir


bise,

Lilyu.